ARTICLES |
NÉCESSITÉ ET CONTINGENCE AUX
17e ET
18e
SIÈCLES
La tâche de fonder et de penser philosophiquement la liberté humaine
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Sébastien Charles et Benoît Côté | |
La critique par Leibniz du De interpretatione IX |
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Marta de Mendonça | sommaire |
Un monde sans contingence : le scepticisme nécessitariste de Hume |
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Kim Noisette | sommaire |
L’aiguillon de la nécessité ». Jean-Jacques Rousseau et la normativité du ‘physique’ |
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Marco Menin | sommaire |
Le nécessitarisme holbachique face aux critiques de l’anti-philosophie |
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Sébastien Charles | sommaire |
HORS DOSSIER |
Εἶδος as πέρας in the Gradation of Species: A Note on Aristotle’s Historia Animalium 588b 4–11 and De Partibus Animalium 681a 12 |
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Robert Geis, S.S.B. | sommaire |
L’année de grâce du Seigneur selon Is 61,1-2a et sa citation en Lc 4,18-19 |
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Bernard Gosse | sommaire |
RECENSIONS ET COMPTES RENDUS |
Philosophie Hent de Vries , Religion et violence. Perspectives philosophiques de Kant à DerridaMaxime Allard, o.p. Philippe Capelle-Dumont, Yannik Courtel (dir.) , Religion et liberté Pablo Muñoz Iturrieta Philippe Capelle-Dumont (dir.), Philosophie et théologie à l’époque contemporaine. Anthologie Maxime Allard, o.p. Jacques Julien, François Nault, Plus d’une voix. Jacques Derrida et la question théologico-politique Maxime Allard, o.p. Daniel Innerarity, La société invisible Élaina Gauthier-Mamaril Jean-Francois Thibault, De la responsabilité de protéger les populations menacées. L’emploi de la force et la possibilité de la justice Salvator Stanley Ndayizeye Théologie Sebastiano Pinto, L’incantatore di serpenti. Il sapiente secondo QoèletJean-Jacques Lavoie Nicolas Thomas Wright , The Paul Debate : Critical Questions for Understanding the Apostle Guylain Prince, o.f.m Ronald Charles, Paul and the Politics of Diaspora Jean Doutre, o.p. Camille Focant, Les lettres aux Philippiens et à Philémon Michel Gourgues, o.p. Michael B. Dinkler, Silent Statements: Narrative Representations of Speech and Silence in the Gospel of Luke Marie de Lovinfosse, CND Régis Burnet, Les douze apôtres. Histoire de la réception des figures apostoliques dans le christianisme ancien Jean Doutre, o.p. Élian Cuvillier, Marie, qui donc es-tu? Un regard protestant Jean Doutre, o.p. Marie-Anne Vannier, Cheminer avec Maître Eckhart. Au cœur de l’anthropologie chrétienne; Patrick LENS, Que votre fruit demeure. Croissance spirituelle et développement humain chez Maître Eckhart Louis Roy, o.p. |
SOMMAIRES |
SOMMAIRE
Le rapport entre contingence et détermination est un des aspects les plus discutés de la théorie leibnizienne des modalités. Un grand nombre d’interlocuteurs et de lecteurs de Leibniz soutiennent qu’en rejetant l’indétermination il a sacrifié la contingence. Ce même rapport entre détermination et contingence est au centre de la controverse entre Aristote et Diodore Chronos autour du dominateur. Les deux auteurs soutiennent soit la détermination et la nécessité (Diodore), soit la contingence et l’indétermination (Aristote). Tout en rejetant le nécessitarisme de Diodore, Leibniz rejette aussi l’argumentation opposée d’Aristote au De Interpretatione IX. Le texte analyse la critique de Leibniz à la solution proposée par Aristote, selon laquelle « omne quod est dum est necesse est esse ».
SUMMARY
The relationship between contingency and determination is one of the most discussed aspects of Leibniz's theory of modalities. A great number of Leibniz’s interlocutors and readers argue that by rejecting indeterminacy, he sacrificed contingency. The said relationship between determination and contingency is also central to the controversy between Aristotle and Diodorus Chronos concerning the dominator, the latter standing up for determination and necessity, while the former upholds contingency and indeterminacy. While rejecting Diodorus' necessitarianism, Leibniz also rejects Aristotle’s opposing argument in De Interpretatione IX. The text analyzes Leibniz’s criticism of Aristotle’s solution, according to which “omne quod est dum est necesse est esse”.
SOMMAIRE
En tant que sceptique, Hume est souvent considéré comme réduisant la causalité au statut d’illusion ou de fiction. De telles conclusions, on peut supposer qu’il devrait aussi réduire la nécessité, comprise comme enchaînement de causes, au statut de fiction ; or, c’est tout l’inverse, et Hume le sceptique est aussi un nécessitariste qui voit dans l’univers une « immense machine » où il n’y a « aucune contingence ». Comment ces deux aspects s’accordent-ils ? Et comment, niant la contingence et réduisant les facultés à presque rien, Hume peut-il ajouter encore que nous sommes libres ? S’il semble que le philosophe devrait se montrer fataliste, et que seule une distinction opportune entre caractère « intérieur » et causes « extérieures » le sauve, le nécessitarisme s’avère pourtant compatible avec le doute sur le statut ontologique de la causalité.
SUMMARY
As a skeptic, Hume is often thought of as reducing causation to the status of a mere illusion or fiction. From such a position, one easily guesses that he should also reduce necessity – as a causal interdependence – to a fiction, too; yet, instead of taking this road, Hume the skeptic also endorses a necessitarian position which sketches the universe as an “immense machine” with no place for contingency. Can those seemingly opposite aspects be conciled? Also, as Hume denies contingency and boils down the faculties to virtually nothing, how can he add that we are “free”? While the philosopher should logically endorse fatalism, which he escapes from by an opportune distinction between an “internal” determining character and an “external” set of causes, his necessitarism appears fully compatible with skeptical doubt on the ontological status of causation.
« L’aiguillon de la nécessité ». Jean-Jacques Rousseau et la normativité du ‘physique’
SOMMAIRE
Bien que la figure de Jean-Jacques Rousseau ne soit habituellement pas prise en compte dans la reconstruction historiographique de la notion de nécessité à l’âge classique, une lecture plus attentive de son œuvre révèle une attention particulière à la question de la nécessité, qui devient un élément-clé pour comprendre la conception originelle de la liberté chez Rousseau. Cet article vise à montrer comment le rêve intellectuel consistant à garantir la liberté morale par le biais de la nécessité physique a profondément influencé l’évolution de la dialectique rousseauiste entre nécessité et liberté, à partir de l’« écrit fantôme » La Morale sensitive ou le Matérialisme du sage, jusqu’à Émile et Sophie ou Les solitaires, application romanesque privilégiée de la réflexion philosophique sur la nécessité.
SUMMARY
Although the figure of Jean-Jacques Rousseau is not usually taken into account in the historiographical reconstruction of the concept of necessity in the early modern period, a closer reading of his work reveals a particular attention to the question of necessity, which becomes a key element in understanding Rousseau’s original conception of freedom. This article aims to show how the intellectual dream consisting in guaranteeing moral freedom through physical necessity profoundly influenced the evolution of Rousseau’s dialectics between necessity and freedom, from the « ghost writing » La Morale sensitive ou le Matérialisme du sage, until Émile et Sophie ou Les solitaires, true Romanesque application of the philosophical reflection on necessity.
Le nécessitarisme holbachique face aux critiques de l’anti-philosophie
SOMMAIRE
Parmi les ouvrages ayant suscité la polémique anti-philosophique au XVIIIe siècle, le Système de la nature du baron d’Holbach occupe une place à part, sans doute parce qu’il est le seul à se présenter ouvertement sous la forme d’un bréviaire du matérialisme athée et qu’il condense de manière satisfaisante et en un tout cohérent les thèses irréligieuses des siècles précédents. Pourtant, plus que le matérialisme ou l’athéisme qu’il défend, c’est son nécessitarisme qui semble avoir le plus posé problème à ses adversaires. Après avoir rappelé les grandes lignes du fatalisme holbachique, cet article présente les réponses les plus intéressantes qui y ont été apportées par certains anti-philosophes (Fangouse de Sartret, Bergier, Dubois de Rochefort et Reynaud), avant de conclure sur l’étonnante proximité des adversaires entre eux, comme si théisme et athéisme ne pouvaient penser sérieusement le domaine du contingent.
Summary
Among the works that sparked anti-philosophical polemics in the Eighteenth Century, Baron d'Holbach’s Système de la nature occupies a special place, both because it’s the only one openly presenting itself as a breviary of atheistic materialism and because it satisfactorily condenses into a coherent whole irreligious theories from previous centuries. Yet, as much as it aims to defend materialism and atheism, it is d’Holbach’s necessitarianism that seems to have caused the greatest concern to most of its opponents. Besides recalling the outlines of d’Holbach’s fatalism, this paper presents the most interesting responses made by some anti-philosophers (Fangouse de Sartret, Bergier, Dubois de Rochefort and Reynaud), before underlining the stunning closeness between the Baron and his opponents, as if both theism and atheism could not conceive seriously the notion of contingency.
Εἶδος as πέρας in the Gradation of Species: A Note on Aristotle’s Historia Animalium 588b 4–11 and De Partibus Animalium 681a 12
SUMMARY
Il est remarquable que l’identification de εἶδος (eidos [forme]) avec πέρας (peras [limite]) dans le lexique des Métaphysiques d’Aristote (Métaphysiques 1022a3-7; cf. Métaphysiques, 1032b1; 1041b7-10; 1041b27) n’ait guère fait l’objet de commentaires. Aussi bien constitue-t-elle une terra incognita pour le lecteur d’aujourd’hui, tout comme la conception avancée par Aristote de l’équivalence entre πέρας et μορφὴ (morphē, figure) et, de même, entre μορφὴ et φύσις (physis, nature). Le parcours de la littérature témoigne d’une faible concentration sur ces questions. L’étude offerte ici explore ce terrain peu labouré et met au jour quatre problèmes qui leur sont liés.
SOMMAIRE
The identification of εἶδος (eidos [form]) with πέρας (peras [limit]) in Aristotle’s Metaphysics lexicon (Metaphysics 1022a3-7; cf. Metaphysics, 1032b1; 1041b7-10; 1041b27) has received remarkably scant commentary. It is for this reason terra incognita for the present day reader, as is the doctrine Aristotle sets forth on the equivalence of πέρας with μορφὴ (morphē, shape); also the equivalence of μορφὴ with φύσις (physis, nature). A survey of the literature shows no concentration on these either. We traverse that sparsely tilled terrain here, and unearth four related issues.
L’année de grâce du Seigneur selon Is 61,1-2a et sa citation en Lc 4,18-19SOMMAIRE
Le texte de Luc 4,18-19 se présente comme la lecture par Jésus d’un passage du prophète Isaïe, même si la citation est en grec, principalement d’après la Septante. Luc situe cette scène dans le cadre de Nazareth pour préparer une controverse sur la relation entre la « patrie » et l’ « autre », en commençant par Capharnaüm. Ultimement il vise à l’abolition de l’opposition Israël-nations païennes, point important dans l’ensemble de son œuvre. En Lc 4, cette abolition des distinctions apparaît déjà avec l’exemple d’Élie et de la veuve de Sarepta ou d’Élisée et de Naaman le Syrien. Ce point permet de comprendre la coupure de la référence à Is 61,1-2, juste avant la mention de la « vengeance ». Celle-ci ne relève pas d’un autre thème que celui de la venue du salut, comme on a pu le faire valoir. La vengeance fait parfaitement partie de la venue du salut, quitte à proposer une autre traduction du terme. Mais dans le livre d’Isaïe le salut d’Israël est indissociablement lié à la vengeance contre Édom. Cette omission de l’opposition Édom-Israël, fait alors partie du processus de la controverse de Lc 4.
SUMMARY
The text of Luc 4,18-19 presents Jesus who reads a passage of the Book of Isaiah, but it gives the quotation in Greek, more or less the text of the Septuagint. Luke presents this scene in Nazareth, because he prepares a controversy upon the relation “homeland”-universality, first Nazareth-Capernaum. Ultimately he has in mind the abolition of the opposition Israel- Nations. This aspect appears with the examples of Elias and the widow at Sarepta and of Elisha and Naaman the Syrian. But this point allows to understand the end of the citation before the mention of the “vengeance” in Is 61,2. The “vengeance” was part of the salvation, even if it is possible to propose another translation. But in the Book of Isaiah the salvation of Israel has a strict relation to the vengeance against Edom. In consequence the abolition of the opposition Israel-Edom made part of the controversy of Luke 4 about the opposition “homeland”-universality.