ARTICLES |
La querelle du panthéisme Avant-propos : La querelle du panthéisme : Le débat autour de Spinoza à la fin du XVIIIe siècle en Allemagne |
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Joël Madore et Claude Piché | sommaire |
Le néo-spinozisme chrétien de Herder |
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Audrey Ghali-Lachapelle | sommaire |
La foi a ses raisons… |
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Joël Madore | sommaire |
Jacobi et la querelle du panthéisme : le rationalisme et la philosophie en question dans Alciphron IV |
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Marceline Morais | sommaire |
Goethe et la querelle du panthéisme |
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Raphaël Zummo | sommaire |
L’espace d’une virgule : Mendelssohn et Kant |
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Claude Piché | sommaire |
La question de la liberté et l’affaire de la philosophie : le débat manqué entre Schelling et Jacobi |
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Marie-Andrée Ricard | sommaire |
SECTION HORS THÈME |
Laïcité, politique et modernité |
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Louis Perron | sommaire |
La providence de Dieu : pour quel monde? |
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Louis Roy, o.p. | sommaire |
RECENSIONS ET COMPTES RENDUS |
Bertrand Pinçon , Qohélet. Le parti pris de la vie
Jean-Jacques Lavoie Jesús Asurmendi, Du non-sens. L’Ecclésiaste Jean-Jacques Lavoie André Gagné , Alain Gignac, Sylvie Paquette Lessard (dir.), Le Vivant qui fait vivre. Esprit, éthique et résurrection dans le Nouveau Testament Raymond Dumais Stanislas Breton , La passion du Christ et les philosophies Louis Roy, o.p. François-Marie Humann , La relation de l’Esprit-Saint au Christ. Une relecture d’Yves Congar; Jean-Miguel Garrigues, Le Saint-Esprit, sceau de la Trinité. Le Filioque et l’originalité trinitaire de l’Esprit dans sa personne et dans sa mission Louis Roy, o.p. Catherine de Sienne , Lettre Élisabeth J. Lacelle Philippe Béguerie , Vers Écône, Mgr Lefebvre et les Pères du Saint-Esprit Henri Touaboy Jacques Scheuer , Un chrétien dans les pas de Bouddha Louis Roy, o.p. |
SOMMAIRES |
SOMMAIRE
En 1787, Johann Gottfried Herder publiait Dieu. Quelques entretiens. On est tenté de croire qu’il écrivit en réaction à la publication des Lettres à Moses Mendelssohn de Jacobi, mais Herder considérait à vrai dire son texte comme une œuvre indépendante. Il proposa une conception de Dieu qui, souhaitait-il, ferait consensus et réconcilierait les différentes factions qui s’opposaient dans le cadre de la querelle du panthéisme. Cette conception syncrétiste, un néo-spinozisme inspiré par la pensée de Leibniz, repose sur une vision particulière de la philosophie. Dieu est unique et tous, partout, peuvent le connaître pour peu qu’ils soient sensibles à la beauté de la création et qu’ils réfléchissent à partir de leurs observations.
SUMMARY
In 1787, Johann Gottfried Herder published God. Some Conversations. At first glance, we could be tempted to believe that he wrote in response to the publication of Jacobi’s Letters to Moses Mendelssohn. The fact is however that Herder considered his text as an independent work. He proposed an original conception of God and wished it would help to reconcile the various proponents of the pantheism dispute. His conception, a syncretic neo-spinozism inspired by the work of Leibniz, is based on a very special vision of the role of philosophy. God is one and all and we are all able to know Him as long as we are sensitive to the beauty of creation and we think about our observations.
SOMMAIRE
En 1786, Kant intervient dans la querelle du panthéisme avec son texte « Qu'est-ce que s'orienter dans la pensée? ». Il s’y propose de trancher le débat grâce à son concept de « foi de la raison ». Or, c'est avec l'apparition ultérieure du thème du mal radical dans La religion dans les limites de la simple raison, publiée en 1793, que surgissent toutes les difficultés reliées à cette solution. Devant cette « souillure de notre espèce » qualifiée d'universelle et d'inextirpable, le salto mortale saura-t-il contenir son élan vital à l'intérieur des limites de la raison, comme Kant le croit possible, à l’encontre, notamment, de Jacobi? Quatre embûches menacent cet espoir. D'abord, si l'on peut comprendre que la raison guide la foi, est-elle en mesure d’en produire la sincérité? Ensuite, quelles sont les possibilités de redressement pour ce bois tordu dont est fait l’être humain? Troisièmement, jusqu'à quel point le repenti est-il coupable? Et finalement, si l'intention doit compter pour l'action dans la moralité kantienne, du moins tel qu’il le soutient dans la Religion, quel juge pour en assurer l'équivalence? Conviction religieuse, conversion, rédemption et justification : la foi rationnelle a-t-elle la force de les porter toutes? Cet article enquête sur la question.
SUMMARY
In 1786, Kant intervenes in the Pantheism Controversy with his article “What Does it Mean to Orient Oneself in Thinking?”, in which he proposes to settle the debate with his concept of rational faith. However, it is with the subsequent notion of radical evil developed in Religion within the Boundaries of Mere Reason, published in 1793, that the difficulties of this solution emerge. Before this “foul stain of our species” described as both universal and inextirpable, it is difficult to see how the salto mortale could ever contain its impetus within the limits of the rational, as Kant thinks possible against, for instance, Jacobi. Four obstacles threaten this possibility. Firstly, if we can understand how reason can guide faith, can it produce its sincerity? Secondly, what hope of redress for the crooked wood of which the human being is made? Thirdly, to what extent is the agent who repents, still guilty? Finally, if intention counts for action within Kantian morality, what judge can reconcile one with the other? Sincerity of belief, conversion, redemption and justification... Does rational faith have the strength to bare them all? This article investigates the question.
Jacobi et la querelle du panthéisme : le rationalisme et la philosophie en questionSOMMAIRE
Le but de cet article est de souligner l’importance et la pertinence de l’intervention de Jacobi dans la querelle du panthéisme. En effet, en révélant le spinozisme de Lessing, il a fortement contribué à la remise en question, en Allemagne, de l’idéologie des Lumières. Si sa principale cible lors de la querelle fut Spinoza, présenté comme la forme la plus achevée du rationalisme, il critiquera également l’idéalisme kantien et fichtéen, qu’il perçoit comme étant ni plus ni moins qu’un spinozisme renversé. Les principales critiques de Jacobi au sujet du rationalisme sont sa négation de toute liberté ou son fatalisme, son athéisme inévitable, enfin son nihilisme. Contre ces conséquences pour lui inacceptables, il propose le recours à la foi, entendue en un sens philosophique. Selon Jacobi, notre existence et celle du monde extérieur se révèlent à nous immédiatement, avant toute réflexion. La croyance en leur réalité est donc fondamentale et conditionne tout le savoir abstrait que nous pouvons, par la suite, élaborer à leur sujet, nous éloignant ainsi fatalement de ce que nous voulons connaître.
SUMMARY
The aim of this article is to show the importance and the relevance of Jacobi’s intervention in the pantheism’s quarrel. By revealing Lessing’s spinozism, he contributed deeply to call into question the Enlightenement’s ideology in Germany. Although Spinoza was, in this quarrel, Jacobi’s main target, for his philosophy was for him the most achieved form of rationalism, he also criticized Kant and Fichte’s idealism, perceived by him as a reversed spinozism. The most important problem Jacobi saw in rationalism is that it leads to fatalism, atheism and, finally, nihilism. Against these unacceptable consequences, he suggests that we turn to faith, understood in a philosophical way. According to Jacobi, both our existence and the one of the external world reveal themselves to us immediately, before any reflection. Believing in their reality is therefore a fundamental act of the subject, and is the source of all the knowledge we built about them afterward, fatally driving ourselves away of the very thing we want to know.
Goethe et la querelle du panthéismeSOMMAIRE
Dès l’émergence de la querelle du panthéisme, il a été tacitement admis que Goethe était spinoziste. Cette opinion se trouve confirmée dans la correspondance entre Goethe et Jacobi, laquelle nous conduit à préciser comment Goethe reprend à son compte, par une démarche scientifique qui vise à saisir les totalités organiques à même les phénomènes singuliers, le projet d’une scientia intuitiva. Sur ce chemin, nous précisons la position de Goethe dans le Pantheissmustreit en la comparant à celles de Schelling et de Herder, tous deux spinozistes affirmés. Il s’avère enfin que si Goethe est proche de la Critique de la faculté de juger quant à la conception de l’organisme qui y est véhiculée, il s’éloigne du criticisme kantien dans l’exacte mesure où il croit possible l’accès à la science intuitive via l’exercice d’un « empirisme délicat », baptisé morphologie.
SUMMARY
At the outset of the Pantheism controversy, it has been tacitly admitted that Goethe was a Spinozist. This opinion is confirmed by the correspondence between Goethe and Jacobi, which reveals that the former’s scientific method was – in the unified intellection of concrete phenomena and organic wholes – the Spinozist project of a scientia intuitiva reenacted. From this, we flesh out Goethe’s position in the Pantheissmustreit by contrasting it with Schelling’s and Herder’s, both openly Spinozists. In the end, we see that if Goethe adheres to the Critique of Judgment concerning the conception of the organism it exhibits, he simultaneously distances himself from Kant’s critical theory, claiming that intuitive science is possible through the practice of a « delicate empiricism », that is, of morphology.
L’espace d’une virgule : Mendelssohn et KantSOMMAIRE
C’est en 1785 que Moses Mendelssohn publie ses Heures matinales ou leçons sur l’existence de Dieu, soit quatre ans après la parution de la Critique de la raison pure. On sait que Kant, dans son ouvrage, avait pourtant mis au jour le ressort ultime de l’apparence dans les preuves « transcendantales » de l’existence de Dieu : l’interrelation implicite entre l’argument cosmologique et l’argument ontologique. Or, tout porte à croire que Mendelssohn n’a pas tenu compte de l’avertissement lancé par Kant, le « brise-tout », puisqu’il exploite allègrement le ressort en question pour ses propres preuves.
SUMMARY
Moses Mendelssohn published his Morning Hours or Lectures on the Existence of God in 1785, that is four years after the publication of Kant’s Critique of Pure Reason. We know that Kant in his work had explained the fundamental mistake at the origin of the illusion in the “transcendental” proofs of the existence of God: the implicit interrelation between the cosmological and the ontological argument. However, it seems that Mendelssohn did not take notice of the warning issued by Kant, the alles Zermallmer, since in his lectures he ingenuously falls into the trap and commits the mistake in question.
La question de la liberté et l’affaire de la philosophie :SOMMAIRE
Mon objectif est ici de présenter les grandes lignes du conflit entre Schelling et Jacobi, conflit qui représente le « dernier acte » de la querelle du panthéisme qui s’est déroulée en Allemagne à partir des Lettres à Mendelssohn de Jacobi parues en 1785. Apaisée entretemps, cette querelle reprend de plus belle avec la publication, en 1811, d’un texte de Jacobi intitulé Des choses divines et de leur révélation, texte auquel Schelling réplique violemment en 1812 avec le Monument de l’écrit des choses divines, aussi communément appelé l’Anti-Jacobi. Comme les titres l’indiquent, le débat porte explicitement sur la question de Dieu et, par là, sur la possibilité d’une théologie philosophique. Mais derrière ce débat qui n’a pas véritablement eu lieu, il en va plus fondamentalement de la possibilité de la liberté humaine, et, par là aussi, de la philosophie elle-même.
SUMMARY
My objective here is to sketch out the main arguments of the debate between Schelling and Jacobi, one that represents the “final act” of the pantheism controversy that took place in Germany following the publication of Jacobi’s Letters to Mendelssohn in 1785. Quieted for some time, the controversy reopened with the 1811 publication of a text by Jacobi entitled Von den göttlichen Dingen und ihrer Offenbarung. Schelling responded virulently in 1812 with the Denkmal der Schrift von den göttlichen Dingen des Herrn Jacobi, also commonly called the Anti-Jacobi. As both titles indicate, the debate explicitly addresses the question of God and therefore the possibility of a philosophical theology. However, behind this debate that never really took place, lies the more fundamental question of human freedom and thus of philosophy itself.
Laïcité, politique et modernitéSOMMAIRE
Le débat québécois sur la laïcité est essentiellement polarisé, pour ne pas dire enfermé, autour de la dichotomie et de l’opposition entre ce qu’il est convenu d’appeler d’une part « laïcité stricte » (« fermée », « dure ») et d’autre part « laïcité ouverte » (« de reconnaissance »). L’ambition de cet article est de dépasser cette opposition reçue en opérant un déplacement susceptible d’apporter un éclairage neuf sur la question, voire de concilier ces positions apparemment irréductibles. Pour ce faire, je me propose d’élargir la discussion en la recentrant sur la portée et la signification de la laïcité dans les sociétés démocratiques modernes. Cette stratégie, c’est du moins le pari de ce texte, permettra de surmonter les divisions idéologiques ainsi que la manière courante de poser le problème trop liée à mon sens à une certaine philosophie politique centrée de manière trop exclusive sur le traitement politico-légal du problème.
SUMMARY
The debate on secularism ("laïcité") in Québec is centered upon two conflicting views, one advocating a strict version of secularism ("laïcité stricte"), the other promoting a less restrictive version ("laïcité ouverte"). The article tries to overcome this opposition by broadening the discussion around the scope and the meaning of secularism in modern democratic societies. This strategy should help to overcome current ideological divisions as well as the common narrowing down of the problem narrowed to a mere legalistic and political treatment.
La providence de Dieu : pour quel monde?SOMMAIRE
Cet article met la providence divine en rapport avec les sciences et avec la recherche d'un sens à l'histoire, tant personnelle que collective. Nos contemporains recherchent trois types d’intelligibilité : celle des lois classiques formulées par les sciences, celle des fréquences statistiques et celle des événements. Les deux premiers types sont abstraits, tandis que le troisième est concret. La position présentée dans cet essai se situe à mi-chemin entre deux visions erronées de l’univers : l’une comme pur hasard et l’autre comme inflexible nécessité. La thèse qui est défendue ici consiste à envisager une intelligibilité complète, qui nous échappe en grande partie, bien que notre histoire nous permette de découvrir des sens partiels, marqués par la contingence et le hasard.
SUMMARY
This article sets divine providence in the context of three pursuits of explanations: the classical sciences’ formulation of laws, the search for statistical frequencies, and the quest of meaning regarding events that impinge on individuals and communities. The first two types are abstract whereas the third is concrete. The position that is submitted in this essay lies half-way between two inadequate visions of the universe: as pure chance or as inflexible necessity. The thesis that is here defended consists in envisioning the complete intelligibility of the universe, which the human mind is far from fully grasping, although it can discover, in personal and collective history, partial meanings marked by contingency and chance.